Sport
Loisir ou...
culture?
La Boule de Fort est assurément un sport puisque c'est une activité physique et que les compétitions sont de plus en plus nombreuses. La Boule de Fort est certainement un loisir puisque c'est une activité physique qui se joue en pantoufles et que sa pratique est avant tout un jeu avec ses règles. Une partie de boule, c'est surtout une rencontre amicale et conviviale.
La Boule de Fort est une identité angevine... Elle revêt de ce fait un caractère culturel attaché au patrimoine de l'Anjou. Le jeu de la boule de fort et la vie sociale dans les sociétés, demeurent parties prenantes dans les traditions populaires de la vie locale.
Le Jeu
Le jeu de la boule de fort demande de l'adresse, de la concentration, de la patience mais aussi de la souplesse dans le geste et des jambes solides pour parcourir des dizaines d'aller et retour pendant une partie. Les parties se jouent normalement en 10 points et peuvent durer entre une et trois heures.
Le Terrain
D'abord c'est un jeu de plein air avec une piste en terre battue qui, plus tard, a parfois été goudronnée. Les jeux ont ensuite été couverts, ce qui a permis de jouer à l'abri des intempéries et qui a aussi permis de maintenir la piste parfaitement lisse et polie. Les dimensions des terrains initialement très variables doivent maintenant avoir une longueur comprise entre 18 et 24m et une largeur de 5 à 6 m. Les bords sont relevés et leur pente dépend du gabarit du « faiseux dieu ».
Il fallait être expert pour arroser le jeu et le rouler au moins une fois par semaine. Les bons « rouleux deux » étaient recherchés, assuraient la bonne qualité du « roule » et la réputation de la société. L'état du « roule » s'il dépend de l'entretien du terrain est aussi fonction des conditions climatiques, même dans les jeux couverts. La terre sablo-argileuse nécessaire à la réalisation est extraite dans la commune du Guédéniau (3 sociétés ont existé au Guédéniau mais toutes ont disparu dans ce village qui a marqué la Boule de Fort dans l'histoire) , à proximité de la forêt de Chandelais. L'entretien des jeux de terre est une affaire délicate, elle demande du savoir-faire, une grande disponibilité et une grande fraîcheur physique de la part du spécialiste. Pour ces raisons non respectées, des jeux sont abandonnés.
A la fin des années 1960, les évolutions techniques ont permis de découvrir des nouveaux matériaux faits de résines synthétiques (matières plastiques). Les terrains sont devenus moins délicats à entretenir. Il faut cependant penser à les refaire en moyenne tous les 10 ans (Le Conseil Général de Maine et Loire participe financièrement, pour une part importante, dans la refection des jeux) Des revêtements plus fiables ont aussi été réalisés avec des plaques de linoléum collées sur une assise en béton. Ces revêtements n'ont pas fait recette du fait de la technique de collage mal maîtrisée et du fait de la tenue de la boule qui ne frotte pas pareillement sur la surface.
La boule
L'originalité de cette boule tient dans le fait qu'elle est méplate avec un côté « faible » légèrement évidé en son centre pour lui enlever du poids. L'autre côte plus lourd porte le nom de « fort ».
Les Boules de Fort utilisées aujourd'hui sont ferrées. Leur diamètre doit être compris entre 123 et 127 mm, leur épaisseur ne doit pas dépasser 100 mm et leur poids entgre 1.2kg et 1,5kg.
La première boule ferrée aurait été cerclée en 1865 par un forgeron de Mazé nommé PINEAU. Monsieur THIBERGE d'Angers fut le premier tourneur de Boule de Fort connu, il ferra sa premiere boule en 1871.
Le corps des premières boules, fabriquées spécialement pour être des Boule de Fort, est fait en bois local : surtout du cormier mais aussi du frêne ou du buis. Si le bois est toujours préféré par de nombreux joueurs, le marché actuel propose également des boules réalisées avec des matières plastiques.
Les parties amicales
Le jeu de la Boule de Fort était donc à l'origine une activité de loisirs proposée aux membres des sociétés. Les sociétaires s'adonnaient à ce jeu surtout le dimanche apres-midi (à la place des vêpres). 8 à 12 joueurs pouvaient être présents ensemble sur le terrain et ne jouaient qu'avec une seule boule. Une fois la boule lancée, il fallait bien une demi-heure d'attente avant de recommencer un autre coup. Pendant ce temps là, le concierge « faisait sauter » un grand nombre de bouchons. On buvait bon, seulement du vin d'Anjou. Il était bien difficile de vivre la partie et de se motiver au jeu.
Une partie vite faite en 6 points entre deux joueurs pouvait être le moyen pour le gagnant de se faire payer un verre par le perdant.
De nos jours les parties amicales se disputent en semaine, de jour, avec des sociétaires retraités. Le jeu est parfois réservé pour faire une partie entre amis. Le dimanche est souvent l'occasion de jouer des parties en famille.
Les challenges
Le premier concours publique a eu les 15 et 16 juillet 1905 à Asnières Bois Colombe, à l'initiative du journal « l'Angevin de Paris ».
Il existe en effet une société « la Boule Angevine et Tourangelle », située avenue Dianoux, qui regroupe les Angevins de la capitale.
En ce début du 20ème siècle un changement est amorcé : le jeu de Boule de Fort prend une place de plus en plus importante dans l'animation des sociétés. Des challenges s'organisent entre les sociétés, surtout en secteur urbain Le développement de la compétition contribue à maintenir de l'activité et petit à petit les sociétés rurales adhèrent à cet esprit sportif. C'est surtout à partir de 1950 que les concours se multiplient, soit à l'intérieur des sociétés entre sociétaires ou avec des invités, soit en associant plusieurs sociétés.
Suivant leur courant de pensée des sociétés se regroupent au sein de Fédérations qui organisent leur propres challenges. Fédération des Amicales Laïques en 1912 et Fédération des Cercles Catholiques en 1926. Stupéfaction, en 1938 un même joueur gagne les 2 challenges : traîtrise pour les uns ou lâchage pour les autres, l'histoire ne le dit pas.
D'autres Fédérations se font jour pour mettre sur pieds des challenges avec des sociétés d'un même secteur geographique: fédération du Saumurois — fédération rurale de Trélazé — fédération des ponts de Cé — fédération de la ville d'Angers - amicale des boulistes ruraux — fédération de la Sarthe —fédération de l'Indre et Loire — l'Entraide dans le canton de Beaufort-fédération du Segréen. Certaines de ces fédérations ont disparu et d'autres ont agrandi leur territoire d'influence.
Entre 1907 et 1991, le challenge Cointreau est demeuré la compétition la plus prestigieuse. Toutes les sociétés adhérentes à la Fédération se faisaient un devoir d'inscrire une équipe. Le jour de la grande finale était un événement exceptionnel pour la sociéte qui l'accueillait. Les vainqueurs gagnaient l'estime de tous les joueurs, ils étaient reconnus au titre de champions. Prétextant les obligations de la Loi EVIN, la maison COINTREAU a retiré sa participation en 1992 et d'autres challenges Fédéraux ont pris le relais : challenge de l'UAP de 1992 à 1997, challenge du Conseil Général de Maine et Loire depuis 1993 et le challenge de la cave des Vignerons de Saumur depuis 2000. Le challenge du Crédit Agricole a déjà 30 années d'existence. Conscient de sa responsabilité pour promouvoir le jeu de la boule de fort, la Fédération s'est engagée a relancé un challenge réservé aux seuls juniors. Ce challenge a pu voir le jour grâce au concours de la Banque Atlantique. C'est une équipe du Prieuré de Fontaine Guérin, formée par Yohann CHOLETAIS et Jonathan RAVENEAU, qui a remportée la finale de la première edition en septembre 2002.
On ne compte pas moins de 200 challenges ayant un caractère public, c'est à dire qui sont ouverts à tous les joueurs. Ces challenges sont dotés en prix par des entrepreneurs locaux, des commerçants, des banques, des notables ou des elus politiques. Ils sont à l'initiative d'une sociéte organisatrice mais parfois plusieurs sociétés s'associent pour diminuer la durée de la competition. Un challenge rassemblant 150 joueurs inscrits peut se dérouler sur une période de 2 mois. Les parties se jouent généralement le week-end à partir du vendredi soir. L'inscription à un challenge est payante, en principe 4€ par joueur. Au moment de la finale et de la distribution des prix, 100 personnes au moins sont rassemblées. Cela explique pourquoi les notables refusent rarement une invitation, les rassemblements autour de la Boule de Fort étant toujours très populaires.
Le sport a-t-il sauvé les sociétés ? Cette interrogation est la conclusion de Jean Luc MARAIS dans son livre : Les sociétés d'Hommes. Oui, certainement, mais une dérive existe. Les différentes compétitions ont sûrement apporté un dynamisme mais la multiplication des challenges les met en concurrence. Pour attirer les joueurs, il faut augmenter les prix Parmi les 45000 ou 50000 sociétaires, combien sont ils compétitifs ? Quelques petites dizaines seulement. Pour être compétitif, il faut pratiquer fois plusieurs fois par semaine et bien peu peuvent se le permettre. Le joueur qui s'engage dans un challenge le fait avec l'espoir d'aller le plus loin possible, mais s'il n'est pas compétitif il aura du mal à gagner la premiere partie. Les challenges deviendraient-ils réservés pour quelques-un seulement ? La Boule de Fort doit aussi rester un jeu populaire socialisant, ou chacun est à même de s'exprimer.
Le joueur de boule
De véritables champions, accumulant les victoires, font la fierté de leur société. L'image que l'on voudrait donner du joueur de boule est trop souvent faussée par les rumeurs.
Le jeu de boule est un sport de souplesse plein de délicatesse. Il demande à celui qui le pratique des efforts de concentration, une maîtrise de soi, une confiance parfaite dans son partenaire et un profond respect de l'adversaire. Une partie de boule est auto-arbitrée, il n'est pas besoin qu'une tierce personne fasse respecter les règles et juge les litiges.
Le joueur doit très tôt prendre corps avec la piste : roule du jeu, pente qui tire ou qui lâche, repères pour le tir, charges à serrer ou à rentrer, renvoi de la planche et défauts du jeu.
Pour rouler, le joueur pose délicatement et dose la mesure de son geste tout en étant souple sur ses jambes. Il met en communion le fort de la boule, la pente choisie et la longueur du coup. Il imagine la trajectoire et tente de la réussir. Pour tirer il doit mettre en harmonie la force de son lancer et sa position sur le côté du terrain.
Ce n'est qu'après avoir maîtrisé ces différents aspects du jeu qu'il pourra prétendre faire de beaux points et gagner une partie.
Le jeu ne demande pas d'efforts physiques importants, mais surtout souplesse et concentration. Une partie de boule peut néanmoins durer plusieurs heures ce qui nécessite de rester debout longtemps et faire de nombreux pas dans le jeu.
On peut pratiquer la Boule de Fort à tous les âges mais les jeux de boule ont souvent éte réservés aux personnes âgées.
L'age moyen du joueur de boule à maintenant fortement rajeuni et les moins âges en font voir de toutes les couleurs aux vieux. Ce sont souvent des équipes formées par de jeunes joueurs qui gagnent les challenges. Il faut dire que les temps libres des jeunes sont très occupés et qu'ils préferent pratiquer le soir, mais la partie de boule peut se terminer très tard, à une heure qui ne correspond pas aux habitudes des joueurs âgés.
Les enfants s'adaptent très bien à la pratique du jeu de Boule de Fort qui est une activité ludique très formatrice Les sociétés ne leur sont pas toujours ouvertes mais des efforts sont remarqués ici ou là. Des écoles de boule voient le jour, des centres aérés pratiquent cette activité et des enseignants s'y intéressent. Il est possible de faire jouer ensemble un enfant et un adulte, et cela n'est pas courant dans les disciplines sportives. Papy est toujours très content de donner des leçons à son petit garçon et celui ci est très appliqué pour respecter les consignes. La Boule de Fort est un jeu qui convient aux enfants et qui leur plait, de nombreuses expériences l'ont démontré.
Dans bien des jeux traditionnels, le joueur qui n'avait pas marqué de points dans sa partie était contraint d'embrasser les fesses à Fanny. Une Fanny est respectueusement conservée dans un petit placard, fermé bien souvent à clé, à l'écart des regards voyeurs. Elle est dessinée et peinte, avec plus ou moins bon goût, par un artiste local. Des affiches de camionneurs ont remplacé quelquefois la peinture défraîchie, pour donner à Fanny une silhouette et des formes plus alléchantes pour ses messieurs. Ces figures compromettantes étaient bien evidemment bannies dans les sociétés qui étaient sous l'influence du clergé. Le tintement d'une cloche prévenait les sociétaires qu'il y avait une Fanny à embrasser. On se pressait pour assister à la cérémonie. Le joueur concerné devait se décoiffer et s'agenouiller pour « biser Fanny ». Les personnes présentes n'étaient pas accourus pour être simplement des spectateurs, mais parce que le « biseux d'Fanny » devait aussi payer une tournee générale.
A Brion, une Fanny bien en chair paraît-il, se serait porter volontaire pour soulever ses jupes et se faire embrasser le derrière par des malheureux perdants. Depuis ce temps là, quand on fait zero point, on est bon pour faire un voyage à Brion, dans les propos tout au moins. Cette expression est toujours d'actualité et les sociétes de Brion organisent un challenge spécifique pour les « Brionneux », c'est a dire pour les joueurs qui, dans l'année, n'ont pas marque de point en faisant une partie de boule.
Le village de Brion peut s'enorgueillir de compter deux confréries qui témoignent du jeu de la Boule de Fort : la Confrérie des Brionneux et la Confrérie des Pèlerins de Brion.